L’enfouissement des lignes d’électricité haute tension est une revendication environnementale désormais incontournable. Mais en plus du coût, dix fois plus important que celui d’une ligne aérienne, il se heurte à des obstacles techniques que de nouveaux mortiers autocompactants liquides sont en train de lever. Exemple dans les Landes.
Familières dans le paysage français du siècle passé, les lignes aériennes haute tension n’y sont plus les bienvenues. Composantes principales du réseau de transport d’électricité hexagonal, elles restent cependant indispensables pour acheminer l’électricité en minimisant les pertes sur de très grandes distances.
Face aux nombreuses critiques (impact sur les paysages, conséquences sur la faune, nuisances sonores ou électromagnétiques), la solution serait de les enterrer partout où cela est possible ou justifié. En Europe, des pays comme l’Allemagne s’y astreignent depuis longtemps déjà, avec une législation contraignante.
Au-delà du surcoût évident (investissement multiplié par 10), les principaux freins à l’enfouissement sont techniques : limitation de la longueur des câbles (principalement pour le courant alternatif), problèmes de sécurité et de maintenance, impact sur le sol et le sous-sol. Cependant, prenant en compte les critiques et les préoccupations environnementales, RTE (Réseau de Transport d’Électricité), qui depuis 2000 gère les lignes haute tension (63 000 et 90 000 volts) et très haute tension (225 000 et 400 000 volts), s’est engagé à enfouir 20 % de ces nouvelles lignes haute tension.
Qui dit enfouissement, dit tranchée. Se pose alors inévitablement le problème du remblai. Malgré l’existence de règles de l’art bien définies, décrites dans la norme NF P 98-331 et dans le guide technique SETRA-LCPC Remblayage des tranchées et réfection des chaussées (mai 1994), les tranchées remblayées classiquement présentent, en proportion importante, une défaillance de comportement liée essentiellement à une insuffisance de compactage lors de leur remblayage. Les matériaux autocompactants, qui se mettent en place naturellement dans les tranchées, permettent de pallier ces difficultés. Ils assurent en quelques heures une portance suffisante autorisant une remise en circulation rapide et présentent à long terme des résistances mécaniques suffisantes mais volontairement limitées pour permettre, en cas de besoin, une réexcavation facile de ces tranchées.
Évolutions significatives
Depuis leur apparition en France au début des années 1990, les matériaux autocompactants – mélange de granulats, de ciment en faible quantité (inférieure ou égale à
100 kg/m³), d’eau et d’adjuvants – essorables ou non essorables connaissent des évolutions significatives. Les plus récentes tendent à faciliter le recours à l’enfouissement pour le transport électrique, en le rendant plus rapide, tout en maintenant un très haut niveau de sécurité notamment dans le domaine de la résistivité thermique (performance d’isolation). En effet, il est inenvisageable d’enfouir de la haute tension si l’on fait courir le moindre risque aux usagers, à l’environnement et aux installations.
Exemple très significatif : le chantier réalisé par la société SPAC en collaboration avec Cemex qui s’est déroulé dans les Landes (entre Parentis-en-Born et Ychoux), l’an dernier. Le choix de ce département n’est pas le fruit du hasard. En 1999 et 2009, la région a été durement frappée par les tempêtes, qui ont endommagé le réseau aérien, privant durablement les habitants d’électricité. D’où la décision de passer désormais par la voie souterraine.
Concrètement, il s’agissait d’enfouir des câbles électriques de 63 000 volts, glissés dans un fourreau et déposés dans une tranchée, conformément aux prescriptions de RTE. Particularité : un terrain difficile, constitué d’une terre sablonneuse et de qualité médiocre.
L’occasion de réaliser « une première » dans ce domaine. « Nous avons testé un remblai liquide, explique Mohamed Jabri, chef du chantier de SPAC. Un test couronné de succès, qualifié à juste titre de “ réussite “ par les participants au chantier. Pour offrir une meilleure résistance et protéger les câbles, Cemex a en effet conçu un produit baptisé CXB RBL RLS ou “ mortier de remblais autocompactants spécifiques non essorables “. « Ce remblai liquide répond à une demande spécifique de résistivité thermique formulée par notre client », indique Catherine Pecqueux, technico-commerciale Cemex sur le secteur Bassin Nord Landes. Dans le cas précis, le CXB RBL RLS a été formulé spécifiquement à 100 kg/m³ de ciment pour répondre aux attentes du client qui visait une résistivité thermique de 1 K.m/W.
Une rotation toutes les 20 minutes
Premier avantage : ce produit liquide enrobe parfaitement les fourreaux, en respectant toutes les normes qui s’imposent aux tranchées de câbles haute tension (notamment le Cahier des charges général-Liaisons souterraines pour tout ouvrage de liaison souterraine HTB – haute tension B, soit plus de 50 kV en courant alternatif ou 75 kV en courant continu – du Réseau public de transport (RPT) d’électricité). Autre atout, son coût est moins élevé qu’un mortier « traditionnel » et il permet de rétablir plus rapidement la voirie. En revanche, sa pose exige qu’il n’y ait pas d’interruption au moment où le remblai liquide est déposé. « Pour répondre à cette contrainte technique, Cemex a doublé le nombre de ses camions afin de mettre en place une rotation toutes les 20 minutes », précise Mohamed Jabri, de SPAC.
« L’un des avantages, c’est la rapidité d’exécution. Le mortier glisse en dessous et au-dessus du fourreau de manière uniforme, ce qui évite un blindage et un remblai traditionnel. Aussi, on peut couler en même temps que l’on pose le fourreau. Grâce à cette technique, on avance de 600 mètres par jour, contre 200 habituellement », poursuit le chef de chantier.
Au total, sur les 12 km de chantier, 2 000 m3 de ce remblai liquide ont été coulés, soit 140 m3 par jour.