La médiathèque Aqua-Libris de Saint-Maixent-l’École, conçue par les architectes Pierre Antoine Gatier et Bernard Desmoulin, témoigne du potentiel d’adaptation du patrimoine du XXe siècle.
Cette nouvelle médiathèque relève d’une métamorphose. Celle d’un équipement sportif réservé à l’usage presque exclusif d’habitants particuliers de la ville, en équipement culturel ouvert à tous les Saint-Maixentais et, bien au-delà, à l’ensemble des habitants de la communauté de communes Haut-Val-de-Sèvre. À l’équipement militaire recomposé s’ajoute en extension un bâtiment dont la géométrie permet d’articuler l’ensemble à la fois d’un point de vue fonctionnel et visuel.
Un équipement urbain
La piscine construite dans les années 30 par l’entreprise de François Hennebique était réservée aux militaires de l’école nationale de sous-officiers installée depuis la fin du xixe siècle dans cette petite commune des Deux-Sèvres, située non loin de Niort. Elle a été construite dans l’enceinte de l’abbaye de Saint-Maixent dont une partie était transformée en caserne, et permettait de refermer le site militaire à l’est. En 2011, la restitution à la commune de l’ensemble du site donne l’occasion de réfléchir à la valorisation de ce patrimoine historique classé, entre une abbaye du Moyen Âge plusieurs fois détruite, reconstruite et modifiée du XIe au XVIIe siècle et une piscine conçue par l’un des pionniers du béton armé, exemplaire de cette architecture du XXe siècle.
Pour la modeste commune de Saint-Maixent-l’École, qui compte à peine sept mille habitants, et la communauté de communes dans laquelle la médiathèque s’inscrit, ce projet représente un enjeu important de revitalisation urbaine. En outre, elle remplace l’ancienne bibliothèque, à la fois trop petite et inadaptée, et augmente ainsi son fonds, passant de 17 000 à 37 000 ouvrages. Une artothèque forte de vingt-six objets d’art à emprunter, disséminés dans le bâtiment, enrichit de manière originale l’offre de la médiathèque
Un volume recomposé
La longue nef du bâtiment a été divisée en plusieurs espaces et un niveau ajouté par la réduction de la profondeur du bassin de manière à accueillir le nouveau programme.
De fait, le bassin, dont la structure était indépendante du bâtiment, a été entièrement déposé afin de dégager un étage en dessous pour le stockage. Il a été partiellement reconstruit dans le même esprit préservant un grand volume libre dégagé sous la voûte cintrée. La surface en granito des gradins comme des plages, les murs restaurés le long desquels sont désormais placés les rayonnages de livres et la lumière zénithale caractérisent cette salle majeure de l’équipement. Quelques marches entourent le « bassin » où l’on peut s’installer pour lire. L’ensemble rappelle le passé aquatique du lieu. Équipé d’un mobilier très facile à déplacer, cet espace se transforme parfois en salle d’activités ou de lecture publique, voire de spectacle y compris de concert. De grosses gaines de climatisation suspendues rappellent l’ancienne fonction du lieu.
Pour devenir salle de lecture, le bassin a cependant été tronqué dans sa longueur, amputation compensée par le truchement d’un mur habillé d’inox poli miroir qui en restitue l’image complète. Ce mur, érigé sur le fond du bassin et s’élevant sur toute la hauteur, abrite du regard la circulation verticale et la mezzanine placées à l’arrière. Depuis l’accueil, dès que l’on pénètre dans la salle, il reflète, comme le ferait un plan d’eau, la grande mosaïque en grès flammé de style Art déco qui orne le mur à l’extrémité du bassin. De l’autre côté du miroir, le volume est scindé par une mezzanine différenciant des salles pour accueillir en bas des lecteurs, en haut des amateurs de musique et de cinéma. « L’escalier ouvert qui s’élève dans ce volume rappelle par le profilé de la dalle béton du palier intermédiaire l’ancien plongeoir de la piscine », fait remarquer Alexandre Delattre, ingénieur responsable aménagement et habitat de l’intercommunalité qui a suivi le projet dès l’origine. La salle haute, sous la verrière, se prolonge par une terrasse créée sur le toit des anciens vestiaires. Ce nouvel espace à ciel ouvert offre un point de vue dégagé sur l’abbaye, la ville et, au loin en contrebas, la campagne arborée environnante. Le niveau bas, privé de la lumière zénithale, présente une ambiance lumineuse un peu plus sombre mais en prise plus immédiate avec l’environnement par l’ouverture en vis-à-vis de deux grandes baies vitrées. Ces percements cadrent d’un côté l’abbaye et, de l’autre, les bâtisses du centre-bourg.
Comme le souligne Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques spécialiste du patrimoine du xxe siècle, mandataire du projet : « La transformation d’une structure ancienne amène à proposer des choix de conservation, mais aussi de modification. » Et d’ajouter, « Le programme très dense nous a conduits à dédensifier et donc à proposer une extension nous permettant de préserver le volume d’origine. »
Accorder la médiathèque à la ville
Ainsi, face à l’abbaye, dans le prolongement de l’extrémité nord du bâtiment, une extension permet à la fois de créer une entrée publique identifiable et fonctionnelle, et, au niveau inférieur, des espaces de bureau. Jalon supplémentaire de cette histoire d’architectures, il apporte la note contemporaine au projet, l’ancien et le nouveau s’accordant et se valorisant mutuellement.
Cubique et très vitré, le volume d’accueil, où l’on trouve aussi les périodiques, est protégé par un claustra en acier autopatinable. Il se rattache au parvis en béton désactivé de l’abbaye actuellement en cours de restructuration et restauration. En contrebas, dans la continuité du mur de soutènement de la piscine, l’extension est singularisée par sa façade sur rue en béton brut marqué par l’empreinte des planches de coffrage qui participe à sa modénature, et ses deux étroites fenêtres verticales. L’architecte Bernard Desmoulin souligne la qualité d’exécution du béton, « presque trop parfaite. Le béton planche impose un soin particulier, défi que l’entreprise locale qui n’en avait jamais réalisé a relevé avec succès ». Un escalier extérieur longe cette façade créant un passage entre l’abbaye et la rue du centre en contrebas.
Restauration et adaptation de la structure Hennebique
La grande coque cintrée a fait l’objet d’une restauration spécifique et d’une transformation pour assurer le confort thermique et acoustique. Stopper et réparer les dégradations subies par le béton, dues notamment à l’atmosphère chlorée, s’est avéré nécessaire. Les armatures du béton corrodées, affleurant à la surface, ont été entièrement passivées. Un matériau isolant rappelant l’aspect du béton projeté en partie haute de la coque assure une acoustique de qualité suffisante, évitant l’effet cathédrale, et permet d’accueillir des spectacles vivants et des concerts notamment dans la salle principale. Afin d’assurer le confort d’été et une luminosité adaptée à la salle de lecture comme à la préservation des ouvrages, des stores extérieurs couvrent les verrières si nécessaire. Une étude poussée des pigments a permis de retrouver les coloris d’origine. « Nous avions la volonté de retrouver la netteté d’origine du bâtiment, la rigueur de son architecture jusque dans les choix chromatiques », soulignent Pierre-Antoine Gatier et Bernard Desmoulin.
Un bâtiment pour le futur
Par sa structure en béton armé suspendue avec sa voûte mince, le bâtiment d’origine est représentatif de l’architecture industrielle du début du xxe siècle. Il appartient à l’histoire des grandes coques paraboliques utilisées pour les hangars et témoigne d’un savoir-faire technique qui s’est développé à l’époque. Sa rénovation et sa transformation pour de nouveaux usages offrent l’occasion de revaloriser ce patrimoine existant en lui donnant une nouvelle vie. Loin d’être extravagant, l’investissement consenti pour réaliser cette métamorphose, soutenue par la région comme le département, s’inscrit dans une démarche respectueuse de l’environnement humain et urbain. Ainsi, la nouvelle médiathèque est l’occasion pour les habitants de s’approprier en douceur un équipement qui, jusque-là, leur échappait. Elle pourrait aussi symboliser un début de revitalisation de la ville et des communes alentour.
Reportage photos : Michel DENANCÉ
Maître d’ouvrage : communauté de communes Haut-Val-de-Sèvre – Maître d’œuvre : Pierre- Antoine Gatier, ACMH mandataire (restauration de l’existant et aménagement du parvis) ; Bernard Desmoulin, architecte associé (extension et aménagement intérieur) ; Marion Gauchard, chef de projet – BET : Egis – Entreprise gros œuvre : Boutillet – Surface : 1 500 m2 SHON – Coût : 2,8 M€ HT – Programme : accueil, espaces de lecture et multimédia, salle de travail, locaux de stockage, bureaux.