Au cœur du bassin d’Arcachon, la réalisation des deux nouveaux ouvrages enterrés de stockage des effluents du site de Lagrua devait répondre à des contraintes techniques spécifiques.
Le Bassin d’Arcachon, ses huîtres, ses plages… et ses flux touristiques saisonniers ! Cette destination de vacances très prisée des touristes voit sa population plus que tripler l’été, passant de 130 000 à plus de 400 000 habitants. Les équipements publics doivent être dimensionnés en conséquence, en particulier ceux de traitement des eaux usées, dont le Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon (SIBA) a la charge. À La Teste-de-Buch, les effluents bruts en provenance de la commune et de celle d’Arcachon transitent par la station de pompage « Lagrua », avant d’être dirigés vers une station d’épuration. Contrairement aux autres tronçons du réseau, celui-ci ne comportait jusqu’ici aucun dispositif permettant de stocker temporairement les effluents en cas de dysfonctionnement.
Des ouvrages de stockage « 2 en 1 »
C’est pourquoi le SIBA a décidé d’implanter en amont de la station de pompage deux bassins de sécurisation. « Si un problème survient sur le réseau d’assainissement, ces deux ouvrages pourront stocker les eaux usées le temps d’intervenir – la période d’interruption admissible du réseau passera de 4 heures actuellement à 4 jours –, ce qui permettra d’éviter les débordements et de garantir la continuité du service à tout moment », décrit Patxi Sallaberry, directeur du projet Lagrua et leader productivité d’Etchart Construction. En complément, les deux bassins peuvent permettre de réguler le débit arrivant à la station d’épuration si besoin.
Pour assurer ces deux fonctions, la capacité de stockage totale atteint 30 000 m3. « Techniquement, nous aurions pu réaliser un bassin unique, mais seule une portion de cette capacité étant nécessaire en fonctionnement courant, nous avons proposé au SIBA de répartir ce volume sur deux bassins, ce qui permettait d’en optimiser l’utilisation et la maintenance. » Les deux ouvrages en béton, circulaires et enterrés, disposent donc de volumes de 10 000 m3 (40 m de diamètre et 9 m de profondeur) et 20 000 m3 (respectivement 60 m et 9 m). « En cumulé, le site établit le record de France de capacité pour des ouvrages de stockage d’eaux usées », confie Patxi Sallaberry.
Résister à la pression de la nappe
L’une des difficultés principales pour le groupement consistait à s’affranchir des pressions et venues d’eau générées par la présence d’une nappe phréatique affleurant au niveau du terrain naturel. C’est pourquoi la première étape du chantier a consisté à créer – depuis la surface – une enceinte souterraine capable d’assurer l’étanchéité des ouvrages pendant les phases de terrassement et de Génie Civil. La partie verticale de cette enceinte est constituée d’une paroi moulée en béton armé de 62 cm d’épaisseur descendant à 19 m de profondeur. « Les 5 900 m2 de parois ont été réalisés à la benne preneuse, la stabilisation de la fouille avant coulage étant assurée par une boue polymère, mieux adaptée à nos conditions de chantier qu’une classique boue bentonitique », précise Patxi Sallaberry.
Une fois ces cylindres géants verticaux réalisés, un « bouchon » d’étanchéité horizontal une forme de radier provisoire de 1,5 m d’épaisseur, constitué d’un mélange de coulis de ciment et de silicate a été injecté à 19 m de profondeur via un maillage dense (1,2 x 1,2 m) de canules des tubes verticaux.
L’étanchéité provisoire étant alors globalement assurée, les gigantesques volumes de sable – qui constituent la totalité du sous-sol rencontré dans la zone – ont pu être déblayés, au sec, jusqu’au niveau bas des bassins.
À partir de septembre 2018, après onze mois de travaux préparatoires, le chantier de Génie Civil proprement dit a alors pu commencer. Les deux radiers, épais de 66 cm et totalisant 3 000 m3 de béton, ont été coulés en fond de fouille avec un béton mis en œuvre par pompage. « Nous avons coulé les 1 000 m3 de radier du petit bassin en une fois, mais nous avons réparti le coulage des 2 000 m3 du second en quatre portions de “camembert” », illustre Patxi Sallaberry. Pour pouvoir résister à la pression de la nappe en phase définitive, les radiers sont renforcés de 320 tirants qui les ancrent dans le sous-sol à 30 m de profondeur.
Chiffres clés
Béton : 8 500 m3 , dont 3 000 m3 dans les radiers éléments en béton armé préfabriqués sur site : 7 600 m3 Armatures : 650 t
Résister aux attaques de l’hydrogène sulfuré
Pour pouvoir résister à l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz hautement corrosif émis par les effluents, la totalité des bétons structurels « en élévation » devaient être revêtus de protections en PEHD, un matériau polymère insensible à l’H2S. « Les plaques ne pouvant pas être intégrées directement sur la paroi moulée du fait de son mode constructif, nous les avons scellées sur un contre-voile de 25 cm d’épaisseur solidaire de la paroi moulée », précise Patxi Sallaberry. L’intrados de ce contre-voile circulaire est constitué d’une succession de « monolames »,
des éléments préfabriqués « semblables à des prédalles verticales » présentant une plaque de PEHD sur la totalité de leur face en contact avec les effluents.
Ces monolames de 9 m de haut, 2 m de large et de 12 cm d’épaisseur ont été préfabriquées sur site. « La plaque de PEHD, mise au fond du moule, était munie de picots, ce qui permettait de la solidariser avec le béton lors de la prise », décrit Patxi Sallaberry. Une fois décoffrés, ces éléments de 5,4 t
étaient positionnés à 13 cm de la paroi moulée où, à la manière d’un prémur, un remplissage en béton du vide entre les éléments et la paroi moulée permettait de les intégrer définitivement à celle-ci.
Une seule formule robuste pour tous les bétons
Qu’ils soient préfabriqués sur site ou coulés en place, tous les bétons mis en œuvre sur le projet de Lagrua disposent d’une seule et unique formulation. « Plutôt que de nous adapter aux spécificités fines de chaque partie d’ouvrage, nous avons préféré caler notre production sur un béton polyvalent mais adapté aux ouvrages d’assainissement », justifie Patxi Sallaberry. Le béton possède ainsi une classe de résistance C40/50 et correspond à une classe d’exposition XA3, intégrant un ciment CEM III/A 52,5 L CE PM-ES CP1 NF. « Nous souhaitions évidemment qu’il puisse résister sur la durée aux agressions des effluents, mais nous voulions aussi qu’il dispose d’une grande résistance au jeune âge, pour pouvoir décoffrer rapidement et tenir les cadences importantes de préfabrication », poursuit Patxi Sallaberry.
Un projet intégré
Implantés au sein d’une zone humide Natura 2000, sur une parcelle jouxtant une départementale et une piste cyclable, les deux bassins de sécurité et les bâtiments techniques attenants ont fait l’objet d’une intégration paysagère soignée. Le parti pris de l’architecte Bruno Jacq joue ainsi la carte de la sobriété et de la discrétion. « Il ne s’agissait pas de cacher l’installation mais d’accompagner sa perception par l’automobiliste, le promeneur ou le cycliste », justifie Bruno Jacq. Tandis que le bâtiment technique en béton est bardé de lames de bois verticales à claire-voie, les bassins enterrés – et désodorisés – sont recouverts d’herbe rustique, les voiries étant plantées de pins parasols. L’interface avec la route est quant à elle soulignée d’un talutage en merlon enherbé, enrichi d’une plantation de pins parasols et animé de ganivelles – des clôtures à lattes de bois – dessinant une sinusoïde, en écho aux dunes littorales voisines.
Une surépaisseur sacrificielle pour le radier
Les autres structures en élévation devaient également être protégées. Tandis que les prédalles formant la sous-face de la dalle de couverture des bassins étaient également munies de plaques polymères lors de leur préfabrication sur site, les poteaux de soutien de ces prédalles étaient pour leur part coulés en place à l’intérieur de tubes en PEHD servant à la fois de coffrage et de protection vis-à-vis de l’H2S.
Bien que le radier, constamment immergé sous les effluents, ne soit pas directement soumis au gaz H2S, il fallait néanmoins le protéger contre les attaques des effluents liquides. « C’est pour cela que nous lui avons ajouté une surépaisseur sacrificielle de béton de 6 cm », précise Patxi Sallaberry.
Les réponses aux deux principales contraintes du projet – la nappe phréatique affleurante et la présence d’H2S – ayant été apportées suffisamment en amont par le groupement de conception-réalisation, le chantier a pu se dérouler sans aléa notoire. Grâce à une organisation optimisée, « les ouvrages ont pu être mis en service en octobre 2019, avec un an d’avance sur notre délai contractuel de 36 mois », se félicite Patxi Sallaberry.
Reportage photos : C. REBIERE – Balloide-Photo Bayonne
Principaux intervenants
Maître d’ouvrage : Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon – Conception-réalisation : groupement Etchart Construction (mandataire, gros œuvre, Génie Civil) ; Opure (process industriel) ; Keller (paroi moulée et bouchon d’étanchéité) ; GCIS (études d’exécution) ; SCE (dossiers administratifs et réglementaires) – Architecture et intégration paysagère : Bruno Jacq, architecte – Montant des travaux : 15 M€ TTC.